La maison Sabaton se consacre au marron depuis le début du XXe siècle et compte régaler les gourmands encore longtemps. Tradition et délice au cœur de la châtaigneraie ardéchoise. Au commencement était la forêt ardéchoise, et au cœur de cette forêt, la châtaigne. Ou le marron ? En fait, ce sont les fruits d’une seule espèce, Castanea sativa. La distinction entre châtaigne et marron n’est pas claire ; on a tendance à appeler « châtaigne » le fruit de l’arbre et « marron » le fruit transformé. Le distinguo linguistique entre châtaigne = fruit divisé par une cloison intérieure et marron = fruit d’un seul tenant n’a jamais été validé. Mais nous digressons… Au cœur de la forêt ardéchoise, il y avait aussi, au tout début du XXe siècle, un grand hôtel-restaurant, l’Hôtel Terminus. Son propriétaire, Paul Roch Sabaton, en était aussi le chef cuisinier. En 1907, Paul Roch entreprend de produire des conserves de plats cuisinés et de champignons sauvages, dont sa région regorge. Il y adjoint bientôt la crème de marron qui, dès 1909, rencontre un franc succès. Les marrons glacés suivront bientôt (décembre 1911, juste à temps pour les fêtes). Plus tard, il s’associe à Jules Reynaud, expéditeur de fruits, pour développer son entreprise : en 1925, on s’arrache les myrtilles sauvages au sirop, les marrons confits et la crème de marron en Angleterre, en Égypte, en Afrique du Nord et jusqu’en Amérique. En 1957, au décès des deux associés, Paul Sabaton, fils du fondateur, rachète la société et oriente la production vers une clientèle professionnelle de restaurateurs et de pâtissiers. En 1959 est installé le premier autoclave de confisage, qui améliore la qualité des marrons confits et plus tard des écorces d’orange confite. Ces autoclaves sont encore en fonction. Les années 70 voient s’intensifier la concurrence internationale, alors que se développe l’industrie des fruits surgelés. Toutefois, la clientèle de Sabaton reste fidèle à l’excellente qualité de ses produits. L’exportation se renforce et atteint le Japon. Dans les années 80, Sabaton met au point des technologies de découpage et d’épluchage mécanique des fruits qui contribuent à maintenir la réputation de qualité de la maison. Une nouvelle et spacieuse usine est établie à Aubenas, à quelques kilomètres de Labégude. Il ne reste plus à la châtaigne ardéchoise que d’être reconnue en Appellation d’origine contrôlée, ce qui devient réalité en 2006 ; l’AOP (reconnaissance à l’échelle européenne) est attribuée en 2014. C’est l’aboutissement d’un long travail de la filière châtaigne, auquel la maison Sabaton a apporté son soutien. Dans la France rurale, où la châtaigne a souvent contribué à sauver les peuples de la disette, le châtaignier a souvent été appelé « arbre à pain ». À partir de l’exode rural (seconde moitié du XIXe siècle), les châtaigneraies sont moins exploitées et leur entretien est négligé. L’arbre devient fragile, sujet aux maladies, et ses fruits ont un air de rusticité qui déplaît aux élégants des villes. Entre 1897 et 1963, plus d’un million d’arbres sont abattus en Ardèche. Ce recul d’une forêt millénaire entraîne une prise de conscience, matérialisée par un plan de relance de la châtaigneraie, un programme de replantation, la création d’un syndicat de producteurs et la mise en valeur générale d’une culture fruitière patrimoniale, même si seulement trente pour cent des châtaigniers sont exploités. La solidité, la longévité de l’arbre et la douce saveur de ses fruits, sans oublier leur richesse en principes nutritifs et la naturalité de leur culture, ont fini par jouer en sa faveur. Sabaton a toujours privilégié l’approvisionnement local. Aujourd’hui, c’est de moins en moins facile, mais il n’en demeure pas moins que, sur deux mille tonnes annuelles de châtaignes ardéchoises destinées à la transformation, Sabaton en utilise environ la moitié, soit mille tonnes. Les fruits destinés à la crème, à la pâte et à la purée de marrons proviennent majoritairement d’Ardèche, et pour une petite partie du Gard et de la Lozère. Tous sont issus de variétés traditionnelles de Castanea sativa, les variétés hybrides étant jugées moins savoureuses. L’objectif est toujours le 100 % local, mais récemment, l’enchaînement de mauvaises récoltes et les étés trop chauds ont entraîné une grande fluctuation des volumes, qui peuvent varier du simple au double selon le millésime. En cas de mauvaise année, on recourt exceptionnellement à des importations d’Italie ou d’Espagne. La crème de la crème, bien entendu, c’est la châtaigne bio ou AOP d’Ardèche, mais quoi qu’il en soit, dès leur réception, les fruits font l’objet de prélèvements et beaucoup d’entre eux sont coupés en deux pour vérifier leur bonne santé. Les châtaignes sont triées par flottaison : les fruits véreux, qui restent à la surface, sont éliminés. Après un dernier tri, les châtaignes sont soit mises en fabrication, soit congelées afin d’étaler la période de production. De plus en plus, la maison Sabaton s’efforce de tendre vers le cent pour cent local et notamment d’accroître le volume de châtaignes d’Ardèche AOP dans sa production. Or la saison de ce fruit se déroule sur trois semaines, alors qu’en jouant sur plusieurs origines, il serait plus facile d’étaler la saison. De nouveaux locaux de réception, plus spacieux, facilitent désormais les contrôles à la réception des châtaignes et permettent de traiter l’arrivage en temps réel. Nous n’avons pas encore parlé du goût. Sabaton a toujours su sublimer la saveur si douce de la châtaigne à travers ses crèmes et ses confitures onctueuses, aromatisées à la gousse de vanille véritable. Un soin gourmand est consacré à chaque produit. Pour les marrons glacés, la matière première provient depuis plus de quarante ans des régions italiennes d’Avellino, de Naples et de Salerne, capables de fournir de gros fruits d’un seul tenant — condition indispensable à un bon confisage. Cependant, les mauvaises récoltes n’épargnent pas l’Italie et la situation est actuellement tendue. En 2007, Sabaton a repris l’activité d’épluchage afin de réaliser des marrons glacés à base de châtaignes d’Ardèche AOP, édition limitée proposée en fin d’année. Mais que les fruits proviennent d’Italie ou d’Ardèche, Sabaton leur consacre toujours son savoir-faire unique.
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